mardi 10 novembre 2015

Rétablir la confiance en situation de crise



Le contexte


Qu'est ce qui a pu conduire un grand groupe comme VW à tricher pour respecter des normes antipollution ? Les personnes sont elles malhonnêtes ? Est-ce l’appât du gain ? L'orgueil ? La vraie raison est ailleurs. C'est, comme le révèle la presse depuis hier, la peur notamment l'ex-PDG Martin Winterkorn. On se doutait depuis plusieurs semaines qu'il y avait un gros problème de management, mais désormais des employés témoignent. Hors la peur est le fruit d'une culture qui ne tolère pas l'erreur et encore moins l'échec. 

Face à cela comment peut-on changer les comportements et rétablir la confiance, si depuis des années les collaborateurs ont compris qu'il ne fallait pas faire de vagues, ne pas annoncer de mauvaise nouvelle sous peine de nuire à sa carrière voire de perdre son emploi ? Si désormais le nouveau patron du groupe exprime le souhait que la parole se libère, il va falloir que cela se traduise de façon très concrète et rapidement.

Car si l'effet est désastreux vis-à-vis de l'extérieur il l'est aussi en interne. Imaginez l'état d'esprit des employés de cette entreprise, leurs motivations, leurs craintes, leurs inquiétudes et l'impact sur la performance du groupe.



Changer de culture


Comment accueille-t-on l'erreur dans l'entreprise ? Comment est-on jugé si on commet une erreur ? Comment est-on évalué ? Qui montre l'exemple ? Comment va-t-on mettre fin à cette spirale de la peur ? Il ne s'agit pas de faire des actions cosmétiques, de tapisser le mur pour cacher les trous et les malfaçons. C'est la culture de l'entreprise qu'il va falloir faire évoluer. 

En premier lieu l'exemple doit venir d'en haut. Si les dirigeants reconnaissent leurs erreurs et sont davantage dans une logique de recherche de solutions que dans une recherche de culpabilité, c'est déjà un premier pas important. Mais la volonté de changement doit s'incarner dans tous les échelons de l'entreprise et pour que cela soit efficace, la décision doit venir aussi des employés. Aussi il est essentiel de créer les conditions favorables à la fois pour permettre le changement mais aussi pour que chacun y contribue énergiquement.

Apprendre de ses échecs


Une piste est de permettre les erreurs, les échecs, de les accueillir afin d'apprendre d'eux. Si désormais pour chaque projet on n'en attend pas la fin pour faire un bilan, mais que l'on fait un point régulier sur ce qui marche ou pas pour essayer de s'améliorer alors on va peu à peu apprendre de ses erreurs. Si l'on fait des ajustements régulièrement, on réduit les risques d'échec et possiblement leurs portées.

Un des principes du Lean start-up, une méthode très opérationnelle pour la définition de nouveaux produits, est que plus on fait des [nouvelles] erreurs fréquemment, plus on apprend vite et plus on a de chances de concevoir un produit qui permette une activité rentable et durable.

Mais s'agit-il de ne s'améliorer qu'en termes techniques ou de produit ? Ce serait dommage, car on peut s'interroger sur l'organisation et la pertinence des processus qui peuvent être lourds, inadaptés, voire sources d'immobilisme. Alors que les entreprises sont dans des contextes qui évoluent en permanence, faudrait-il qu'elles figent leurs processus et leur organisation une fois pour toutes ?

Évaluations et objectifs


Qu'en est-il de l'évaluation des personnes et de la récompense au résultat ? Sur quels critères évalue-t-on les personnes ? Sont-ils compatibles avec la transformation que l'on souhaite opérer ? À quelle fréquence fait-on un point avec elles ? Comment prend-on le temps de les connaître et d'acquérir des retours sur leur contribution ? Note t-on aussi la progression sur une période écoulée ou seulement les résultats ?

Est-ce que l'objectif que l'on demande d'atteindre est toujours compatible avec l'objectif de l'entreprise ? Supposons que vous ayez une prime annuelle au résultat, en fonction du nombre de projets que vous aurez réussis ou non. Cela risque de vous faire préférer votre objectif personnel plutôt que l'intérêt de l'entreprise. Par exemple, vous pouvez n'accorder que très peu d'aide à qui vous le demande du moment que cela ne sert pas directement vos intérêts. Ou encore, si un commercial est payé en fonction du chiffre d'affaires qu'il génère, dans quelle mesure sera-t-il concerné par la rentabilité des projets ? (Tout lien avec une entreprise existante serait purement fortuit...)

Cela n'a rien d'anecdotique. Certaines entreprises comme Enron, Parmalat, ont connu de grandes crises voire une faillite, parce que les objectifs donnés aux personnes conduisaient à des attitudes incompatibles avec le bien de l'entreprise et de ses clients. Et ce n'est pas que le top management qui est concerné. Tout cela doit nous interroger sur les valeurs de l'entreprise et celles véhiculées par sa politique.

Et si on lâchait la bride ?


Que de transformations à opérer ! Mais qui est le mieux placé pour savoir quoi faire, comment adapter les processus, l'organisation ? Quelles valeurs veut-on porter désormais, comment s'assurer qu'elles seront partagées et comment cela doit-il se traduire dans l'entreprise ? 

Il semble naturel de dire que c'est le rôle du management de répondre à ces questions et de mettre en oeuvre la transformation. Mais pourquoi ne laisserait-on pas aux employés la possibilité de contribuer de façon active ? Après tout, on s'approprie davantage une démarche si on y participe, que l'on est écouté et reconnu. Ce serait aussi un moyen d'avoir un retour rapide sur les mesures décidées, ce qui permettrait au besoin de les ajuster ou de les corriger.

S'il y a une réelle crise de confiance, qui n'a pas envie que cela change ? Hors ici nous avons des ingrédients essentiels pour réussir la transformation, qui sont la conscience de l'urgence de la situation et la volonté ou au moins le désir partagé de changement pour un mieux. Il y a donc une grande opportunité, mais qui ne pourra être pleinement saisie que si les employés sont écoutés et qu'on leur permet de contribuer activement plutôt que de subir.

Lien: Je vous recommande cet excellent article sur le management par la peur chez VW.